… pour ne pas la laisser aux seuls faiseurs de discours empoisonnant l’air, gommant les nuances et tronquant les perspectives. Si ROCK$TAR se construit sur la musique rock, elle lui sert surtout de scène sur laquelle la fiction viendrait faire hurler certains travers du monde qui nous entoure.

À l’époque des faits alternatifs et de la post-vérité, je crois qu’il est important, pour les contours que j’essaye de donner à mon travail, de reconquérir une part cruciale de fiction…

Ce qui m’intéressait, quand j’ai commencé à écrire le roman, c’était plutôt une certaine idée du rock – des anecdotes, une mythologie, ses contradictions, sa langue. Il y avait là matière à fiction.

ROCK$TAR prend la forme d’un album rock. Les quinze chapitres qui le composent sont autant de titres tirés d’une discographie fictive, au sein desquels les personnages tentent de s’accorder et de s’harmoniser, parfois de hurler quand d’autres se taisent. Longtemps, le roman s’est appelé SOUNDTRACK.

Je n’ai, je crois, jamais cherché autre chose depuis que j’écris: ce moment, cette barre oblique ou ce point de bascule à partir duquel le fond et la forme s’indistinguent.

C’est que la forme n’est pas un moule dans lequel fondre le texte. Le texte, littéralement, prend forme: s’en saisit, se débat avec elle; elle l’enferme, elle le contraint, il la déborde, il la déforme, en redessine les angles, jusqu’à ce que la forme définitive s’impose et se confonde avec lui.

L’écriture dépasse le seul temps passé devant l’écran, à laisser courir ses doigts sur le clavier. L’idée doit mûrir ou prendre; elle doit ébaucher une forme, se projeter dedans, celle vers laquelle tendra peu à peu le roman, même s’il finit presque toujours par la rater et s’en inventer une autre.

Nous sommes le 22 août. ROCK$TAR paraît dans 11 jours. Il va falloir que j’en parle si je veux qu’il existe un peu au milieu des 483 autres romans qui se publient en cette rentrée.

C’est in fine le ramener à du discours, le mien, un vouloir-dire, alors que l’écriture relèverait plutôt d’un faire, d’une performance, et qu’elle devrait, à ce titre, se percevoir dans les effets, ou l’immédiateté qu’elle procure à la lecture.

puisqu’il s’agirait de laisser penser que le livre est explicable, qu’il a une raison d’être que lui-même, en tant que tel, est incapable de rendre perceptible.

Bref, il n’y a jamais de bon moment pour parler d’un livre, qui par ailleurs devrait pouvoir se passer de tout commentaire: tout ce qu’on pourra en dire est un ajout superflu, et trompeur,

on tâtonne, on cherche, on fore, on se trompe, on reprend, on oublie, on cherche encore, on fore plus loin jusqu’à entrevoir un filon possible; des choses se dessinent dont on se demande à quoi elles vont bien finir par ressembler, si du moins elles ne s’effacent pas entretemps.