Pollutions lumineuses : les communautés de papillons de nuit ont du plomb dans l’aile
Au cours de vos balades nocturnes, vous avez certainement remarqué des groupes de papillons de nuit tournoyant autour des lampadaires allumés. Cette pollution lumineuse directe s’ajoute à une pollution diffuse, le « skyglow », causée par la lumière artificielle dispersée dans l’atmosphère. Quels impacts ces deux types de pollutions lumineuses ont-ils sur les communautés de papillons de nuit ?
9 septembre 2025
par Laetitia Theunis
"Une étude menée par Dr Evert Van de Schoot, sous la direction du Pr Hans Van Dyck et de la Pre Renate Wesselingh à l’UCLouvain, montre qu’au sein des jardins éclairés, tant le nombre d’individus que d’espèces décline fortement."
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Des jardins soumis à une pollution lumineuse progressive
"En Belgique, la pollution lumineuse diffuse (dite aussi indirecte) est omniprésente : il n’existe plus de véritable nuit noire. Le skyglow est toutefois plus marqué au nord du pays, région davantage urbanisée, qu’au sud du Sillon Sambre-et-Meuse. Pour évaluer son impact sur les papillons de nuit, les chercheurs ont sélectionné 12 jardins dans les Brabants wallon et flamand, ainsi que 12 autres autour de Rochefort.
Dans chacune de ces deux zones, la moitié des jardins choisis étaient fortement exposés à l’éclairage public : les pièges y étaient installés à moins de 30 m d’un lampadaire non obstrué par des arbres ou des clôtures. L’autre moitié des jardins étaient considérés comme ‘sombres’, dans le sens où les pièges étaient installés à plus de 30 m d’un lampadaire ou si la lumière artificielle était partiellement masquée par des obstacles.
Pour dénombrer et identifier les papillons de nuit, deux méthodes ont été utilisées : des pièges à lumière et des pièges à appât garni d’un doux mélange de vin et de sucre (dénué de lumière). « Si, globalement, le premier système attire davantage d’animaux que le second, leur combinaison permet de capturer des espèces avec un profil écologique différent. Et donc d’avoir une vision plus large de la communauté présente », explique Pr Van Dyck.
Déclin du nombre d’individus et d’espèces de papillons de nuit
Résultats ? « En ce qui concerne l’abondance, donc le nombre de papillons, la pollution lumineuse diffuse (skyglow) a peu d’effet. En revanche, dans les jardins à moins de 30 m, d’un lampadaire fonctionnel, on constate une baisse de 42 %, toutes espèces confondues », précise Pr Van Dyck.
Les lampadaires impactent aussi la richesse spécifique, c’est-à-dire le nombre d’espèces. « Selon les méthodes de piégeage, les résultats varient : le piège lumineux indique une baisse de près d’un tiers (28 %) du nombre d’espèces, tandis que le piège à appât révèle une diminution de 40 % du nombre d’espèces. »
La pollinisation nocturne mise à mal
Ces déclins sont significatifs et les conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes pourraient être lourdes.
Notamment, et trop peu le savent, car les papillons de nuit sont de grands pollinisateurs. « Lorsqu’on évoque les pollinisateurs, on pense immédiatement aux abeilles et à leur rôle diurne dans la pollinisation des plantes qui nous nourrissent — fruits, légumes, céréales. Pourtant, la nuit aussi, de nombreuses plantes, surtout des espèces sauvages, sont visitées par des insectes, en particulier par les papillons de nuit. Dès lors, le déclin global de la pollinisation ne représente pas seulement un enjeu agricole, mais constitue également un problème écologique majeur pour les plantes sauvages et toutes les espèces qui en dépendent », explique le Pr Hans Van Dyck.
Une étude a révélé que les plantes exposées à une pollution lumineuse directe recevaient en moyenne 62 % de visites nocturnes en moins que celles situées dans des zones sombres !"
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Skyglow and especially direct streetlight pollution alter moth communities - Environmental Pollution, 13.03.2025 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749125004415 Image : Graphical Abstract