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“Harvard et le monde académique récoltent les fruits amers de la diplômanie des élites démocrates” : entretien avec Michael Sandel
“Harvard et le monde académique récoltent les fruits amers de la diplômanie des élites démocrates” : entretien avec Michael Sandel nfoiry mar 20/05/2025 - 17:00 En savoir plus sur “Harvard et le monde académique récoltent les fruits amers de la diplômanie des élites démocrates” : entretien avec Michael Sandel Les universités américaines sont sous le feu des attaques de Donald Trump. Pour Michael Sandel, professeur à Harvard et auteur notamment de La Tyrannie du mérite (trad. fr. Albin Michel, 2021), ces institutions doivent lutter pour préserver leur liberté académique. Ce qui n’empêche pas de repenser le fonctionnement et la mission d’un système universitaire en crise. [CTA2] Comment voyez-vous la lutte qui oppose Harvard et le monde universitaire en général à l’administration de Donald Trump ? Michael Sandel : La liberté académique est menacée et les universités vont devoir lutter âprement devant les tribunaux pour conserver leurs subventions et surtout leur autonomie, Donald Trump voulant avoir un droit de regard sur les programmes, le recrutement des professeurs ou encore des étudiants… Cependant, même si ce combat est victorieux, il ne sera pas suffisant. Cette crise politique de l’éducation n’est que le symptôme de l’érosion de la bonne réputation de l’enseignement supérieur ces dix dernières années. Et cette érosion est liée à ce que j’ai appelé la « tyrannie du mérite ». Je m’explique : pendant des décennies, les politiciens démocrates traditionnels n’ont pas remis en question la mondialisation néolibérale, ils ont simplement dit aux citoyens : « Si vous craignez d’être les perdants de la nouvelle économie, vous pouvez vous former, devenir plus compétitifs et améliorer votre niveau de vie. » Bill Clinton enjoignait la population à pousser les portes de l’université avec ce mantra : ce que vous gagnerez dépendra de ce que vous apprenez. Barack Obama portait le même message. L'ascension sociale était donc devenue une question de responsabilité individuelle… tout comme la pauvreté. Avec l’accroissement des inégalités, une très faible mobilité sociale et un enseignement supérieur largement fermé aux enfants de familles démunies, il n’est pas surprenant que beaucoup de travailleurs américains non-diplômés aient fini par se sentir insultés, humiliés et méprisés par les élites surdiplômées. C’était une folie de justifier un système économique où ceux qui aspirent à un travail digne et une vie décente ont pour condition nécessaire d’avoir un diplôme. Rappelons que 64 % des Américains adultes n’ont pas suivi de premier cycle universitaire. Harvard et le monde académique récoltent désormais les fruits amers de l’hubris méritocratique des élites politiques démocrates.    Donald Trump exploiterait donc l’incapacité chronique de l’enseignement supérieur à générer de la mobilité sociale. Peut-on interpréter cette attaque comme la mise en scène d’une vengeance visant à préserver le soutien que lui apportent ces non-diplômés humiliés ?  Oui, et cela a même été une stratégie électorale. Donald Trump a très bien compris l’humiliation générée par cette diplômanie chez les classes populaires. Il a désigné les universités comme les avant-postes de son opposition politique en promettant, en campagne électorale, des représailles. Cela explique que, à chaque élection – y compris celle qu’il a perdue en 2020 contre Biden –, le candidat républicain a gagné des voix parmi les non-diplômés. Nous avons beaucoup entendu parler du clivage entre les sexes lors de la présidentielle de 2024, Trump ayant obtenu un bien plus grand succès auprès de l’électorat masculin. Mais le niveau d’études constitue un clivage encore plus grand !    “Du point de vue de la société américaine dans son ensemble, l’université est passée du bien public au privilège privé” Pour quelles raisons cette « hubris méritocratique » est-elle autant associée à l’élite démocrate, selon vous ? Après tout, les républicains ont, eux aussi, valorisé le rôle social de l’université… C’était encore le cas il y a dix ans. Aujourd’hui, la plupart des républicains estiment que les universités ont un effet négatif sur la conduite des affaires du pays. La confiance dans l’enseignement supérieur a aussi baissé chez les démocrates mais dans une moindre mesure, précisément parce que le parti rassemble davantage les classes instruites et aisées que les classes laborieuses.    James Bryant Conant, président de Harvard en 1933, a mis en place un système de sélection pour recruter les candidats les plus talentueux à une époque où n’étaient admis que les élèves des internats privés issus des classes supérieures de l’élite protestante. Même si l’institution reste discriminante, pourquoi n’est-elle pas reconnue comme un bien commun ? D’un côté, Harvard est devenu un symbole du mépris des non-diplômés. Le fait que Trump puisse faire montre d’une telle agressivité sans que cela ne soulève les foules révèle le niveau de ressentiment de la population à l’égard de l’enseignement supérieur en général. D’un autre côté, comme vous le rappelez, dans la seconde moitié du XXe siècle, les universités sont devenues, dans le sillon de Harvard, des machines à trier les citoyens. Aux sélectionnés devaient désormais revenir les honneurs et récompenses. Si bien que les étudiants admis se sont eux-mêmes mis à considérer l’enseignement supérieur comme un moyen d’accéder à des réseaux et des opportunités de carrière plutôt que comme un moyen de se cultiver pour servir la société au sens large. Bien sûr que les étudiants de Harvard sont engagés dans la vie civique, mais il est indéniable que le but profond de l’université s’est déplacé. Ainsi, du point de vue de la société dans son ensemble, elle est passée du bien public au privilège privé.    “Presque toutes les subventions bloquées à Harvard n’ont rien à voir avec ce que Trump appelle la culture ‘woke’” En voulant prendre le contrôle sur la vie académique, Donald Trump, sur le plan symbolique, ne veut-il pas incarner cette idée que le gouvernement s’arroge le pouvoir de distribuer les mérites là où l’université a échoué ? On peut le voir ainsi. Cela reste dangereux dans la mesure où c’est aussi une façon d’étendre son pouvoir sur la société civile. Les charges contre le « wokisme » ne sont d’ailleurs qu’un prétexte. Presque toutes les subventions bloquées à Harvard n’ont rien à voir avec ce qu’il appelle la culture « woke ». Il attaque l’université comme il a attaqué les cabinets d’avocats et les médias, pour augmenter son pouvoir non seulement sur le gouvernement et ses institutions, mais aussi sur la société civile.    En tant que professeur à Harvard, est-il possible de lutter dans le même temps contre Donald Trump et de remettre en question profondément le sens de sa mission ? C’est un défi immense. Nous devons résister à un tyran qui veut miner la liberté académique et combattre en même temps notre autosatisfaction. Il faut s’opposer à l’intimidateur mais aussi avoir assez d’humilité pour se livrer à un examen critique… Or c’est pourtant bien à nous, professeurs, de réfléchir à notre rôle, de reconsidérer notre noble mission à l’égard de nos étudiants mais également de la société dans son ensemble.    “Toutes les grandes universités devraient s’engager à offrir un accès libre à leurs cours” Quelles pistes envisager ? Tout d’abord, les nouvelles technologies nous permettraient de mettre nos cours à la disposition de tous. Je l’ai fait en 2009 pour un cours sur la justice : nous l’avons filmé et mis en ligne, et il a été écouté des dizaines de millions de fois. Voilà une façon très simple de travailler pour le bien public et plus seulement pour le privilège de quelques-uns. Toutes les grandes universités devraient s’engager à offrir un accès libre à leurs cours. Ensuite, nos institutions d’élite, avec leurs fonds importants, devraient participer d’une façon ou d’une autre au développement des établissements publics du secondaire. En effet, le financement de ces derniers dépend des impôts locaux. Ainsi, selon le quartier où vous vivez, la dotation de l’école varie beaucoup. Dans un quartier pauvre, il y a peu de moyens, et cela affecte le niveau général des élèves qui y étudient. Cela explique en bonne partie pourquoi si peu d’enfants d’ouvriers sont admis à Harvard, et ce malgré les bourses. Enfin, les grandes universités devraient se recentrer sur l’éducation civique. De plus en plus, les sciences humaines et sociales sont devenues techniques et jargonneuses, réservées à un cénacle d’initiés pouvant lire les revues spécialisées. Nous ne parlons plus au grand public dans nos cursus, et cela n’encourage pas les étudiants à s’engager socialement. Il nous faut mettre de côté les spécialisations techniques pour que les étudiants puissent cultiver leur capacité à raisonner sur de grandes questions portant sur la justice, le bien commun ou la citoyenneté. Nous pourrions rendre cette éducation civique disponible en dehors de l’académie : dans les centres municipaux ou les bibliothèques publiques, pour apprendre la philosophie morale et politique et s’engager dans les débats. ➤ Michael Sandel donnera une grande conférence (en anglais), « Why democracy is in peril ? », le 26 mai, à 18h, à l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne (14, rue Cujas, Paris Ve- amphithéâtre Bachelard).  Pour y assister, inscrivez-vous sur : philosophie.pantheonsorbonne.fr/evenements/michael-sandel-why-democracy-peril mai 2025
www.philomag.com
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