Il ne faudrait pas trop creuser dans l'esprit d'un biologiste je pense (du moins sans fil d'Ariane pour pouvoir en ressortir vivant)

Nous aussi on peut le faire

(Et j'ai évidemment le plus profond respect pour tout auteur qui arrive à caser Doge et "money printer go brrr" dans son essai théorique)

Le texte de Blix et Glimmer reste en tout cas une contribution positive à une pensée marxiste de l'IA qui prend ses distances à l'égard des apparences médiatiques du phénomène face auxquelles réagissent les blogueurs "technocritiques" pour essayer de comprendre ses mécanismes véritables.

Si le langage des auteurs est parfois un peu confus (car ils semblent un peu découvrir leurs idées en cours de route), le livre se fonde néanmoins sur une compréhension correcte de la théorie de Marx et de la différence qu'elle fait entre progrès universel et appropriation du progrès par certains.

Au cours de leur périple, ils avancent aussi plusieurs idées fascinantes : analogie entre bureaucratie néolibérale et IA, caractère "fantomatique" du travail incorporé dans les technologies d'IA, rapport entre crainte d'une IA surpuissante et peur de perdre sa place dans la hiérarchie sociale...

Contrairement cependant à ceux qui s'en tiennent au seul aspect "tayloriste" de la question (càd la déqualification dans un but de diminution du salaire), Blix et Glimmer identifient clairement que le but de l'IA générative est le remplacement véritable des travailleurs par la machine.

La dynamique qui explique une telle transformation est celle déjà identifiée par Braverman de la privatisation du savoir-faire par le capital, c'est-à-dire de sa concentration dans les mains de celui-ci et dans sa bureaucratie managériale.

Le livre commence ainsi en soulignant la tendance à l'opacité croissante des technologies, autrefois compréhensibles et réparables même par un enfant, mais qui aujourd'hui ne sont plus intelligibles qu'à un petit nombre de spécialistes (et parfois même pas eux-mêmes dans le cas de l'IA générative).

Dans leur entreprise de démystification, les auteurs font quelque chose de trop rare de nos jours : ils expliquent clairement le fonctionnement matériel des technologies en question (qui n'est guère effrayant) et la raison pour laquelle les technologies prennent la forme qu'elles ont aujourd'hui.

On comprend donc immédiatement que les auteurs pensent que le problème se situe non pas dans la technologie en soi, mais dans la façon dont elle va être utilisée par les capitalistes pour poursuivre ses objectifs fondamentaux d'accumulation au détriment des travailleuses et travailleurs.

Le titre du livre n'est pas que pour faire sexy : les auteurs se livrent littéralement à une psychanalyse des images effrayantes qu'on associe aujourd'hui à l'IA afin de démontrer que derrière elles se cache systématiquement le fonctionnement réel du capitalisme.