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Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation
Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation - Open Lefebvre Dalloz
Nous avons sélectionné pour vous les derniers arrêts les plus marquants mis en ligne sur le site de la Cour de cassation.
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November 22, 2025 at 4:13 AM
Procès de Lafarge en Syrie : les cadres de la « chaîne opérationnelle » mettent en cause leur hiérarchie respective
Procès de Lafarge en Syrie : les cadres de la « chaîne opérationnelle » mettent en cause leur hiérarchie respective
Hier, la présidente de la 16 e chambre correctionnelle de Paris  a entrepris d’interroger les dirigeants de Lafarge Cement Syria, la filiale du groupe exploitant l’usine syrienne entre 2012 et 2014. Ils ont admis le danger de maintenir l’activité en zone de guerre, confirmé les alertes transmises et regretté de ne pas avoir eu le pouvoir de fermer la cimenterie plus tôt. Le procès Lafarge se tient au Tribunal judiciaire de Paris jusqu’au 19 décembre prochain. (Photo : ©P. Cluzeau)   Effectivement, comme nous l’indiquions jeudi, le procès de Lafarge a enfin commencé (notre article du 20 novembre ici ). Et l’impression que laisse la journée d’hier contredit en creux les déclarations que l’ancien PDG, Bruno Lafont, a faites mercredi à la barre. Résumons-les : s’occupant d’une société de 65 000 personnes implantée dans 65 pays, il se reposait sur « ses collaborateurs » à Jalabiya (nord de la Syrie). Selon lui, ils l’ont avisé « trop tard » des risques et du piège que les djihadistes avaient refermé sur le groupe. Soit le « racket généralisé » que l’organisation État islamique (EI ou Daech), notamment, avait instauré en contrepartie de « laissez-passer » accordés aux camions de Lafarge et à son personnel. Comme l’entité terroriste Jabhat al-Nosra dès 2012, l’EI assurait en sus à la filiale Lafarge Cement Syria (LCS) une relative tranquillité. C’est le cœur de la prévention : versements en espèces contre poursuite de l’activité. Les dirigeants locaux affirment que le PDG « savait » avant 2014 Il n’empêche, LCS a acheté la sécurité et la possibilité de se maintenir dans le pays. L’audience l’a clairement établi. S’il était acquis que « le partenaire » Firas Tlass, prévenu en fuite, servait d’intermédiaire à Lafarge pour monnayer sa sécurité, les cadres auditionnés ont confirmé que l’opération était bien huilée et « validée ». Par qui ? « La hiérarchie ». Le mot est utilisé par tous, sans toutefois revêtir la même signification. Ils ne désignent pas l’ancien PDG Bruno Lafont, s’accordant toutefois à dire qu’il « savait ». Le patron n’a pas découvert « à l’été 2014 » l’illégalité de pratiques instaurées dès la deuxième année de guerre civile. Celle-ci débute en avril 2011, dans le contexte du « Printemps arabe » qui soulève la foule de plusieurs pays depuis décembre 2010. À cette époque, Frédéric Jolibois est heureux en Chine, avec sa femme qu’il évoquera une dizaine de fois, travaille pour Lafarge et ne vise aucun transfert. Et surtout pas en zone de conflit ! « Le plus important pour moi, c’était ma famille », précise l’homme à large carrure. Volubile, il raconte son existence au Chili, en Jordanie. La présidente Isabelle Prévost-Desprez interrompt « l’exposé touristique », recentre la déposition. « En avril 2014, Christian Herrault me propose la Syrie. Il me précise “c’est une situation compliquée, je comprendrais que tu refuses”. J’ai trois jours pour me décider. C’est une promotion, je deviens dirigeant. » Précisément « patron pays », selon le vocable interne. Il accepte. « Si j’avais su, je n’aurais pas accepté le poste »   « Je ne sais pas du tout ce qui se passe là-bas », poursuit M. Jolibois. « Vous savez tout de même qu’il y a des organisations terroristes ? – Non. – Votre femme ne lit pas les journaux ? questionne-t-elle avec ironie. – Non. On n’est pas au courant. » Il se documente au siège, qui lui adresse des fiches économiques ; le voilà bien avancé. Que lui disent Christian Herrault et Bruno Pescheux (auquel il succède), directeurs au sein de « la chaîne opérationnelle » ? « Ils ne me dépeignent en aucun cas la situation. » Sur place, fin avril 2014, il prend la mesure du bourbier. Il évoque « une promotion statutaire, mais un piège managérial ». « Un piège ? Soyez plus clair… – Herrault n’avait pas tout dit, n’avait pas parlé de mon rôle. Je n’avais pas tous les éléments… Si j’avais su, je n’aurais pas pris le poste ! » Jolibois parle de « violations » de règles – « je n’avais jamais vu ça » –, réalise qu’il y a « un système de donations qui s’apparente à du racket » et s’enquiert de la légalité auprès du service juridique à Paris. « J’attends une réponse juridique ! Et je n’ai pas de réponse. » Il finit par laisser Firas Tlass « gérer » les djihadistes, « suivant les instructions de ma hiérarchie ». Mais ne procède qu’à deux versements, « des émoluments exceptionnels ». Ceci explique l’assaut de l’EI contre l’usine, le 19 septembre 2014. Un « comité de pré-crise » mis en place dès 2011   Frédéric Jolibois envoie ses rapports au siège, à M. Herrault, lequel réfère « oralement » au PDG. Au motif que la cimenterie « fait vivre des milliers de personnes », contribue à l’économie du pays exsangue, elle ne doit pas fermer. La chaîne opérationnelle finance donc indirectement le djihad. Des sommes importantes sont décaissées sous couvert de « notes de frais », 20 000 dollars par mois pour Daech. Chez Lafarge, on appelait cela des « taxes » ou des « oboles », dans un euphémisme qui laisse pantois. Le partenaire Firas Tlass percevait 200 000 $ par mois pour satisfaire aux exigences des groupes armés. Sans justificatifs. Les risques et ses conséquences n’apparaissent pas en 2014, loin de là ! En 2011, « un comité de pré-crise » est créé, suivi d’une « cellule de crise ». La présidence de la maison mère pouvait-elle l’ignorer ? « Non », répond M. Herrault, directeur général adjoint opérationnel chargé de 15 pays dont la Syrie, nommé en janvier 2012. S’il ne disposait pas de « délégation écrite » de Bruno Lafont, il avait envers lui « un devoir de transparence » et devait lui « remonter les informations ». Le « reporting » était constant, indique-t-il après quelques digressions. « Et moi, je soutenais mes collaborateurs », Bruno Pescheux puis Frédéric Jolibois. M. Lafont « avait connaissance des procès-verbaux du comité de sûreté » que lui transmettait un autre mis en cause, le directeur de la sécurité du groupe, Jean-Claude Veillard. Lequel avait « actionné la sonnette d’alarme plusieurs fois, sans être écouté ». En revanche, personne n’est sûr que le PDG lisait les PV – point capital pour sa défense. Se dessine néanmoins un canevas : Pescheux et Jolibois rendaient compte à Herrault, et lui-même à Lafont. Ces derniers « discutaient », en 2012 et 2013, « des paiements » aux factions armées, puis de l’apparition « dans le paysage » de Daech, avait-il maintenu durant l’instruction, y compris lors de la confrontation avec Bruno Lafont. « L’option d’arrêter les opérations en Syrie n’a pas été retenue » Aucun des cadres n’avait le pouvoir de fermer l’usine, « l’initiative ne relevant que du président de Lafarge SA ». Tous rappellent que différents services (juridique, ressources humaines, financier, etc.) étaient intégrés à la boucle des réunions mensuelles du comité de sûreté, plus fréquentes au fur et à mesure que les événements empiraient. Un autre homme paraît amer à l’audience. Tout en gris, des cheveux aux habits, Bruno Pescheux a la mine défaite, pas uniquement parce qu’il est suspect de financement du terrorisme. « Patron pays » en Syrie de 2008 à 2014, confronté au racket, voulant partir dès 2013 « à cause du régime de tensions permanentes » et de « sa mission épuisante », il a été licencié pour faute grave en 2017 – une procédure par la suite annulée. Il a jugé le procédé « ignoble » car la décision du groupe de rester en Syrie avait été prise « au plus haut niveau », pas par lui, obligé de traiter avec Tlass. Un accord a finalement été conclu, et une proposition « revenant à acheter [son] silence » lui a été faite ; il l’a refusée. « L’option d’arrêter les opérations en Syrie n’a pas été retenue », semble-t-il regretter à la barre, même s’il approuvait le maintien en dépit « d’alertes et de signalements ». Il veut que le tribunal retienne que LCS « a assuré la sécurité du personnel et des biens » en versant les taxes aux djihadistes, « pas pour financer le terrorisme ». Pour « minimiser les risques », Jean-Claude Veillard et lui ont recruté Jacob Waerness, lui aussi mis en examen. « Je n’ai jamais cherché à cacher quoi que ce soit à Lafarge »   Étrange personnage que ce Norvégien qui défère enfin devant la justice. Il s’est longtemps soustrait aux convocations, préférant « écrire un livre » et « accorder des interviews aux journalistes », lui reproche sèchement Mme Prévost-Desprez. Assisté d’une traductrice, il invoque une méprise : c’est « la façon de me contacter que je n’ai pas comprise ». Soit. Ancien membre des services secrets, diplômé de l’école de police, de HEC Paris, titulaire d’une maîtrise d’arabe, l’homme à l’allure de baroudeur, coiffé d’une houppette à la Tintin, rendait compte à M. Pescheux. « Je n’ai jamais cherché à cacher quoi que ce soit à Lafarge », dit-il à propos de « la dégradation progressive de la situation à partir de l’été 2012 ». Il a communiqué toutes les menaces, élaboré le plan d’évacuation et versé des rançons aux terroristes pour libérer les salariés kidnappés. Très au fait de difficultés croissantes, il a fini par quitter Damas après avoir séjourné dans « un hôtel, accompagné de gardes armés », puis s’est réfugié à Jalabiya, au sein de la cimenterie. Sa tête étant mise à prix par le gouvernement syrien et Daech, il a fui le pays en septembre 2013. « Les signaux critiques » ne lui ont jamais échappé, comme « les pratiques de paiement » pour la sécurité, dont « la direction parisienne » était selon lui informée. « Elles n’auraient pas dû être poursuivies », dit-il a posteriori . « À travers Firas Tlass, nous avons contribué à l’économie de l’EI », a-t-il écrit dans son livre. À la lumière de ces témoignages, qui seront étayés ou contredits au fil des débats, il apparaît indubitablement que Lafarge disposait d’éléments pour agir comme Total, British Petroleum, Schneider Electric et tous les autres groupes étrangers, sans exception, qui ont plié bagage entre 2011 et 2013.
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November 21, 2025 at 2:10 PM
La Cour de cassation fait le point sur les clauses de déchéance du terme dans les contrats de crédit à la consommation
La Cour de cassation fait le point sur les clauses de déchéance du terme dans les contrats de crédit à la consommation
Astrovector studio/AdobeStock Saisie pour avis, la Cour de cassation a rendu le 8 octobre 2025 un arrêt qui ne manquera pas d’intéresser les professionnels du crédit dans la mesure où il tente une clarification du droit des clauses abusives appliqué aux clauses de déchéance du terme dans les contrats de crédit à la consommation. Cass. 1 re civ., 8 oct. 2025, n o   25-70.016 Extrait : Cass. 1 re civ., 8 oct. 2025, n o   25-70.016 De fait, depuis l’abandon des modèles types de contrat fixés par le Comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation par la loi du 1 er  juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, les professionnels du crédit sont tenus de faire figurer dans les offres de crédit qu’ils proposent aux consommateurs les caractéristiques essentielles du crédit listées à l’ article R. 312-10 du Code de la consommation . Parmi celles-ci doit figurer une rubrique contenant les informations relatives à l’exécution du crédit dont un avertissement relatif aux conséquences de la défaillance de l’emprunteur. Néanmoins, le texte ne donne aucune précision quant aux hypothèses de résiliation du contrat qui devraient/pourraient être mentionnées. D’un autre côté, l’ article L. 312-39 du Code de la consommation prévoit que le prêteur peut « en cas de défaillance de l’emprunteur (…) exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés (…) » mais aucune autre cause de déchéance n’est prévue. On pourrait donc hésiter quant à la licéité d’une clause de déchéance du terme qui serait introduite dans un contrat de crédit à la consommation et qui ne serait pas uniquement fondée sur la défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements. À cet égard, une cour d’appel avait jugé, sous l’empire de l’ancien droit, qu’une clause prévoyant le remboursement immédiat d’un crédit à la consommation, en cas de défaut de déclaration sur des éléments susceptibles d’influer sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur, était abusive en ce qu’elle permettait une faculté de résiliation au profit du prêteur qui s’ajoute à la résiliation à raison de la défaillance de l’emprunteur 1 . La question posée à la Cour de cassation n’était donc pas dénuée d’intérêt et cet intérêt était double. Il convenait en effet de savoir si une clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements, est illicite et/ou abusive. Dans son avis, la Cour de cassation met fin à l’hésitation : aucune disposition du Code de la consommation ne prohibe les clauses qui prévoient que la défaillance du terme peut être encourue pour d’autres causes que le non-respect des échéances de l’emprunt. De telles clauses ne sont donc pas illicites. Toutefois, la marge de manœuvre des professionnels du crédit est en réalité extrêmement réduite car de telles clauses ne doivent pas être abusives sous peine d’être réputées non écrites. L’ article L. 212-1 du Code de la consommation qualifie d’abusives dans les contrats de consommation les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. S’agissant des clauses de déchéance du terme, la Cour de cassation rappelle les critères à prendre en compte pour caractériser l’abus (I), avant d’illustrer ses propos par quelques exemples de stipulations qu’elle a jugé abusives ou au contraire parfaitement équilibrées. Les illustrations choisies permettent également de revenir sur les principales clauses de résiliation que l’on rencontre en pratique, ce qui ne manquera pas d’intéresser les rédacteurs des contrats de crédit conclus avec des consommateurs (II). On notera que la Cour de cassation s’appuie sur la jurisprudence qu’elle a rendue en matière de prêts immobiliers, domaine dans lequel les clauses de déchéance du terme sont extrêmement fréquentes. Il faut reconnaître que, bien que le régime du crédit à la consommation et celui du crédit immobilier relèvent de règles différentes, les différences entre les deux types de crédit tendent à s’atténuer. L’ ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025 portant réforme du crédit à la consommation y contribue d’ailleurs de manière substantielle. I – Les critères de l’abus des clauses de déchéance du terme : les précautions à prendre La Cour de cassation commence par rappeler la jurisprudence de la CJUE qui, dans un arrêt Banco Primus , en 2017 2 , a formulé des directives pour caractériser l’abus des clauses de déchéance du terme. Ainsi selon la CJUE, plusieurs éléments doivent dicter l’appréciation des juges : 1°) l’obligation inexécutée présente-t-elle un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause ? 2°) cette inexécution est-elle suffisamment grave compte tenu de la durée et du montant du prêt ? 3°) la faculté de résiliation accordée au prêteur déroge-t-elle au droit commun applicable en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques ? 4°) le droit national prévoit-il les moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de l’exigibilité immédiate du prêt ? En l’espèce, la Cour de cassation se focalise sur la première caractéristique et en conclut qu’une clause de déchéance du terme dans un contrat de crédit à la consommation, pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements, est abusive s’il ne s’agit pas de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le rapport contractuel en cause. Néanmoins, il semble que la réponse mériterait d’être précisée au regard des trois autres critères posés par la CJUE. En effet, ce n’est pas parce que la déchéance du terme est fondée sur l’inexécution d’une obligation essentielle dans le rapport contractuel qu’elle ne peut pas être qualifiée d’abusive. Encore faut-il que l’inexécution visée par la clause soit suffisamment grave. En outre, l’appréciation du juge sera susceptible d’être plus rigoureuse si la clause déroge à une règle de droit normalement applicable. En d’autres termes, la clause sera jugée abusive si elle place le consommateur dans une position moins favorable que celle prévue par le droit en vigueur en l’absence de disposition contractuelle et il devra également vérifier que le consommateur dispose des moyens de remédier aux effets de l’exigibilité immédiate. La Cour de cassation illustre son propos avec quelques exemples qu’il convient de mettre en perspective avec le droit du crédit à la consommation. II – La pratique des clauses de déchéance du terme à l’épreuve des principes La Cour de cassation rappelle ainsi qu’une clause qui prévoirait la déchéance du terme pour des causes extérieures au contrat de crédit serait abusive. Elle en a décidé ainsi à propos d’une clause d’un contrat de prêt d’entreprise prévoyant la déchéance du terme en cas de cessation du contrat de travail 3 ou bien d’une clause de résiliation unilatérale en cas de défaut de remboursement d’un autre emprunt 4 . En revanche, ne serait pas abusive une clause qui prévoit la déchéance du terme dans l’hypothèse d’une déclaration inexacte sur des éléments essentiels ayant déterminé l’accord de la banque 5 . De fait, l’inexécution sanctionnée est essentielle dans le rapport contractuel, il s’agit de l’obligation de loyauté du consommateur. Elle est suffisamment grave car l’absence de déclaration porte sur des éléments essentiels. Place-t-elle le consommateur dans une situation moins favorable que celle prévue par le droit en vigueur ? Sur ce point la réponse est laconique aujourd’hui puisque l’ article L.  312-16 du Code de la consommation prévoit bien une évaluation de la solvabilité de l’emprunteur à partir des informations qu’il fournit avant l’octroi du crédit mais, à la différence du crédit immobilier, aucune disposition ne vient sanctionner expressément la réticence ou la falsification d’information par l’emprunteur. En revanche l’ordonnance du 3 septembre 2025 modifie, à compter du 20 novembre 2026, l’ article L. 312-16 du Code de la consommation , de sorte que l’évaluation de la solvabilité s’effectue sur la base d’informations pertinentes et exactes relatives aux revenus et charges de l’emprunteur ainsi qu’à d’autres critères économiques et financiers, qui sont nécessaires et proportionnées à la nature, à la durée, au montant du crédit et aux risques qu’il présente pour l’emprunteur ; en outre le prêteur ne peut ni résilier ni modifier ultérieurement le contrat de crédit conclu avec l’emprunteur au motif qu’il a vérifié la solvabilité de manière incorrecte, sauf dans l’hypothèse où il est avéré que des informations pertinentes ont été dissimulées ou falsifiées par l’emprunteur. Une clause de déchéance du terme pour déclarations inexactes du fait de l’emprunteur ne fera que mettre en œuvre une faculté reconnue par la loi nouvelle. Toutefois si l’on veut s’assurer que la clause passe le test, il sera en outre nécessaire de prévoir une mise en demeure raisonnable pour que l’emprunteur s’explique et clarifie les éléments prétendument dissimulés afin de ne pas laisser penser que la décision du dispensateur de crédit puisse être arbitraire et enfin rappeler expressément la possibilité de contester judiciairement la décision de la banque. Une autre clause est visée par la Cour de cassation, celle qui consiste à résilier le contrat en cas de non-affectation des fonds à l’opération prévue. La haute juridiction a jugé le 24 janvier 2024 qu’une telle clause n’est pas abusive 6 . À vrai dire, ce type de stipulation est plus susceptible de se rencontrer dans les contrats de prêt immobilier que dans les contrats de crédit à la consommation. En effet le crédit affecté est lié à un contrat de fourniture de biens ou de services particuliers 7 et la somme prêtée est nécessairement utilisée pour financer un bien déterminé. Cependant certains prêts personnels sont fléchés pour certaines opérations. On pense notamment au crédit rénovation qui reste bien un crédit à la consommation s’il n’est pas assorti d’une sûreté réelle immobilière 8 . L’affectation des fonds semble manifestement une condition déterminante du consentement du prêteur, la rénovation permettant d’apporter une plus-value au bien de l’emprunteur qui lui-même fait partie du gage général du créancier. En tout état de cause, si le silence du droit du crédit à la consommation sur la déchéance du terme en dehors de la défaillance de l’emprunteur ne saurait constituer un frein aux clauses de déchéance du terme dans les contrats proposés aux consommateurs, il en va autrement des règles sur les clauses abusives. Les conditions de mise en œuvre des clauses de résiliation de plein droit sont aussi importantes que leur rédaction. L’arrêt du 24 janvier précité en fut la preuve puisque la clause n’était pas abusive mais sa mise en œuvre fut jugée irrégulière faut d’avoir précisément visé le motif de déchéance contenu dans la clause.
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November 21, 2025 at 2:05 PM
Aides financières à l'apprentissage : les modalités de versement sont revues
Aides financières à l'apprentissage : les modalités de versement sont revues - Open Lefebvre Dalloz
Pour les contrats d'apprentissage de moins d'un an et ceux rompus avant la date anniversaire, le montant de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle est calculé prorata temporis.
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November 21, 2025 at 4:23 AM
Report de la prescription pénale et détournement de fonds publics : l’ombre ne suffit pas à faire la nuit
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November 21, 2025 at 12:14 AM
La résolution adoptée le 30 octobre par l’Assemblée nationale visant à dénoncer les Accords franco-algériens de 1968 : analyse du point de vue du droit international
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November 21, 2025 at 12:09 AM
Contributions indirectes : l’irrecevabilité de l’appel du parquet n’interdit pas son intervention
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November 21, 2025 at 12:04 AM
L’intensité du contrôle du juge sur les refus d’admission exceptionnelle au séjour
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November 20, 2025 at 11:59 PM
Déblocage des sanctions du non-paiement des primes en cas d’aliénation de la chose assurée
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November 20, 2025 at 11:54 PM
L’inopérance du droit commun pour la qualification du contrat à distance
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November 20, 2025 at 11:49 PM
[i]Coliving[/i], [i]persona non grata[/i] ?
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November 20, 2025 at 11:45 PM
Pas d’exigence de publicité pour l’audience JLD en comparution à délai différé
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November 20, 2025 at 11:41 PM
Rupture conventionnelle collective et droit aux indemnités spécifiques
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November 20, 2025 at 11:38 PM
Panorama rapide de l’actualité « Pénal » de la semaine du 17 novembre 2025
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November 20, 2025 at 9:33 PM
Le théâtre des violences sexuelles devant la justice (2) : Affaires familiales d’Émilie Rousset
Le théâtre des violences sexuelles devant la justice (2) : Affaires familiales d’Émilie Rousset
Alors que la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France en septembre pour la deuxième fois de l’année 2025 au sujet du traitement judiciaire des violences sexuelles et que la France vient d’intégrer le non-consentement dans la définition du viol, plusieurs pièces de théâtre dissèquent ces derniers mois la justice des affaires familiales, notamment des violences sexuelles, en s’inspirant d’affaires réelles et en s’appuyant sur l’expertise d’avocats spécialisés en droit de la famille. Après À   la Barre début novembre, nous nous intéressons à la pièce Affaires familiales qui théâtralise les affaires devant le JAF. DR Affaires familiales , le dernier spectacle d’Émilie Rousset, décidément avide de sujets juridiques depuis son remarqué spectacle sur le procès de Bobigny 1 , a été créé en juillet 2025 à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon ( In  du Festival d’Avignon) et en tournée depuis, à commencer par le Festival d’Automne à Paris. Il fait se croiser le récit intime avec l’appareil juridique, la vie d’hommes et de femmes avec le droit applicable et les interprétations jurisprudentielles. Après avoir procédé à des entretiens avec des justiciables, des associations, des parlementaires et des avocats, l’autrice propose une plongée dans la diversité des contentieux traités par le juge des affaires familiales, plus connu sous son acronyme JAF, et présente sa vision de l’état de la justice en France, divisée en neuf tableaux aux intitulés imagés 2 , mais abordant tous une thématique traitée par le JAF : divorces, filiations, violences sexuelles, successions, harcèlement sexuel, PMA-GPA. Dans un dispositif bi-frontal, l’espace du plateau est divisé par un large chemin en plastique blanc servant accessoirement d’écran, de lieu de passage, d’interpellation entre les comédiens le plus souvent à deux, parfois davantage. « Comment est-ce qu’on fait plier la loi ? » est l’une des questions qui est posée. Et l’angle d’attaque, tout comme le fil rouge du spectacle, pour ne pas dire le parti pris de l’autrice semble être, outre d’exposer des situations révoltantes et dramatiques, de souligner le rôle des avocats pour faire changer le droit, utilisant parfois des affaires inédites pour initier des revirements jurisprudentiels et des réformes législatives (comme celles mettant fin à la procédure de divorce pour faute ou permettant le mariage pour tous), et celui des juges ne prenant « jamais de risque » considérant que « c’est au législateur de changer la loi ». Le grand mérite de ce spectacle, et qui ne relève pas de l’évidence, est de montrer que le droit évolue sans cesse, qu’il n’est pas figé dans le marbre, mais que son évolution répond à des demandes ou à des besoins de la société ; que, s’il n’est jamais en avance sur son temps, il se transforme, sous l’empire de différentes influences, et notamment produites par d’autres systèmes juridiques, en particulier celui de la Convention européenne des droits de l’Homme, le spectacle se concluant même par l’évocation de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme mettant fin au devoir conjugal, considéré comme contraire à la liberté sexuelle et au droit à disposer de son corps 3 . En revanche, on déplore qu’à part la Cour européenne des droits de l’Homme, qui a encore tout récemment rendu une décision extrêmement importante 4 sur les lacunes du cadre juridique français pour l’infraction de viol du fait de la non prise en compte de l’absence de consentement dans le Code pénal – qui est désormais comblée 5  –, les autres juridictions soient vilipendées 6 (qualifiées de « temples du conservatisme »), et que certaines d’entre elles soient ignorées. Il est ainsi regrettable de négliger l’office de la Cour de justice de l’Union qui a rendu des décisions remarquables et extrêmement courageuses, et critiquées pour leur empiètement (supposé) sur les droits de la famille nationaux, en matière de droit accessoire à la liberté de circulation des personnes dans des États membres de l’Union imposant à leurs autorités compétentes de reconnaître un acte de mariage entre deux personnes de même sexe 7 , un acte de naissance d’un enfant né de parents de même sexe 8 , ou encore un certificat de changement d’identité de genre 9 . Par contre, on ne peut qu’approuver la scène, par ailleurs la plus audacieuse et plaisante sur le plan scénographique, permettant de faire connaître au grand public le Fiscalia de Sala contra la Violencia sobre la Mujer , c’est-à-dire le parquet général contre les violences faites aux femmes, créé il y a une vingtaine d’années en Espagne et qui coordonne, supervise et harmonise l’action du ministère public, sur l’ensemble du territoire, relayé par des parquets régionaux en matière de violences de genre. C’est justement en raison notamment d’un aléa géographique que l’idée de créer un parquet national dédié aux violences sexistes en France, s’inspirant du modèle espagnol, a été à plusieurs reprises portée 10 , et en dernier lieu par l’avocate pénaliste et vice-bâtonnière du barreau de Paris Vanessa Boussardo 11 , afin de réinstaurer « la confiance dans la justice, devenue relative », en simplifiant « le parcours judiciaire à la suite d’un dépôt de plainte » qui « s’apparente à un véritable dédale de doutes et d’insécurité juridique » et en protégeant les victimes des accusés. La forme énergique du spectacle, alternant ou superposant des vidéos de vrais justiciables rencontrés par l’autrice et dont les récits sont partiellement récités simultanément par les comédiens au plateau, ne vient pas masquer le sombre tableau du traitement des affaires familiales qu’elle a voulu dresser en constatant qu’il requiert de ses acteurs, justiciables compris, « beaucoup d’énergie pour continuer à croire en la justice ». Infos : Le spectacle Affaires familiales vu en septembre 2025 au théâtre de la Bastille à Paris durant le Festival d’Automne est en tournée : Au Centre Dramatique National d’Orléans du 3 au 12 décembre 2025 ; aux Points communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise les 11 et 12 février 2026 ; au Volcan, Scène nationale du Havre les 12 et 13 mars 2026 ; à la Scène nationale de l’Essonne Agora-Desnos d’Evry-Courcouronnes du 18 au 20 mars 2026.
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November 20, 2025 at 11:00 AM
Procès de Lafarge en Syrie : « Je pense que les informations me sont remontées trop tard » déclare Bruno Lafont
Procès de Lafarge en Syrie : « Je pense que les informations me sont remontées trop tard » déclare Bruno Lafont
Mercredi, au 4e jour d’audience, le procès Lafarge a enfin commencé. Le tribunal s’est penché sur la situation du groupe pendant la période qui intéresse la prévention et la place de l’usine syrienne à l’intérieur de celui-ci. Tribunal judiciaire de Paris (Photo : ©P. Cabaret) D’un côté, il y a le parquet national antiterroriste pour qui la Syrie représente l’un des pays les plus importants du monde. C’est, en effet, dans un bout de territoire à cheval sur l’Irak et la Syrie, que l’État islamique a proclamé le califat le 29 juin 2014 ; c’est là-bas que 1 500  français sont partis faire le djihad dans les années 2010. Une grande partie des dossiers traités par le PNAT ces dernières années sont liés à la Syrie. Crise des subprime et Printemps arabes De l’autre, il y a le groupe Lafarge et plusieurs de ses anciens cadres, poursuivis pour financement de terrorisme parce qu’ils ont maintenu en activité leur usine syrienne en pleine guerre civile et au milieu des groupes terroristes.  À l’époque, Lafarge compte 65 000 collaborateurs implantés dans 65 pays. Que pèse une nouvelle usine dans ce paysage ? Pas grand-chose, comprend-on de l’interrogatoire de l’ancien PDG Bruno Lafont au fil de cette journée consacrée à l’examen des entités économiques au cœur de ce procès. Lorsque le cimentier français achète Orascom Cement en 2008, pour la somme de huit milliards d’euros financée à hauteur de sept milliards par une convention de crédit auprès de plusieurs banques,  Bruno Lafont, explique à la barre que c’est une acquisition majeure, car elle doit permettre au groupe de poursuivre son implantation dans de nouveaux pays émergents (Afrique du Nord, Moyen-Orient, Corée du Nord). Hélas, la crise des subprimes éclate au même moment et entraine un effondrement du marché immobilier : moins 70% de construction de logements neufs entre 2007 et 2012 aux États-Unis, moins 50% en Europe.  Les ventes de Lafarge plongent de 45%. La dette s’envole à 17 milliards d’euros (et retombera à 10 milliards en 2013).  « Cette baisse se produit chez tous nos concurrents », précise l’ancien PDG, et n’épargne pas Holcim, le futur partenaire de fusion, qui s’en sort même un peu moins bien.  Quant à l’usine syrienne, qui a coûté 680 millions de dollars, son chiffre d’affaires s’effondre aussi, mais pour d’autres raisons :  134 millions d’euros en 2011, 81 en 2012, 45 en 2013, 29 en 2014. Le groupe avait calculé qu’il pourrait servir 30% des besoins du marché syrien, mais il n’avait pas prévu la guerre civile qui éclate en 2010. L’entreprise est sous perfusion, c’est la filiale la plus endettée du groupe. La justice soupçonne que ce sont ces difficultés financières qui auraient poussé ses dirigeants à la maintenir en fonctionnement coûte que coûte. Mais à en croire Bruno Lafont, la situation n’était pas si inquiétante, financièrement, que ça. Que l’usine perde de l’argent est normal en début d’activité et dans une situation aussi « volatile », explique-t-il. La présence de Lafarge dans de très nombreux pays constitue une forme d’assurance, quand il y a un problème dans une région du monde, les autres compensent. Il cite en exemple l’arrêt des usines locales lors du tsunami de 2004 en Indonésie et du séisme en Chine qui a fait 70 000 morts en 2008. « Des printemps arabes, nous en avions vécu d’autres, en particulier en Égypte où la situation était quasiment insurrectionnelle » se souvient le dirigeant. « Avec des groupes terroristes ? » rebondit le parquet, l’intéressé ne répond pas, le parquet insiste « je ne sais pas » finit par lâcher Bruno Lafont.  Plus tard, sous le feu des questions, il explique « la situation n’était pas facile, mais il ne faut pas exagérer les aspects financiers, Lafarge a toujours investi pour longtemps, c’est aussi une forme d’engagement vis-à-vis des communautés locales, ce qui conduit à des obligations morales, les actifs sont les nôtres, mais aussi ceux du pays et de la région, ce sont des emplois, des matériaux de construction (…) cela fait partie des arguments qui peuvent avoir contribué à maintenir cette usine un peu trop longtemps. » « J’ai dit « je ferme le 27 août 2014 », c’était probablement trop tard » A-t-on abordé la situation de l’usine syrienne en conseil d’administration ? Non. Était-ce un sujet lors des opérations juridiques liées à la fusion avec Holcim ? Pas davantage. « L’usine a fermé avant les discussions. Sa valeur était minime dans le cours de bourse qui a servi de base aux négociations, ce qui était important c’étaient les prévisions de résultat de 2014 et de 2015 dans lesquelles la Syrie ne pesait rien » répond Bruno Lafont. Les magistrats ont quand même du mal à admettre que lors des fameuses investigations méticuleuses qui ont lieu dans ce type d’opération, le cas de l’usine syrienne n’ait pas du tout été abordé. À supposer que l’explication financière ne soit pas la bonne, s’agit-il d’une négligence ? L’interrogatoire de l’ex-PDG sert autant à comprendre la situation économique de l’époque qu’à mesurer sa responsabilité dans le maintien en fonctionnement de l’usine. Et là encore, le prévenu redimensionne le dossier à la taille que représente la Syrie au sein du groupe. Quand on dirige 65 000 personnes, on ne peut pas être partout, on délègue, explique Bruno Lafont, qui décrit ses tâches de président : définir la stratégie, organiser les conseils d’administration, fixer des objectifs, s’occuper des nominations concernant les 150 plus hauts cadres, suivre les grands projets, gérer la communication. « C’est Christian Herrault, le directeur général opérationnel, qui était compétent pour prendre les décisions dans la région où se situait l’usine syrienne », rappelle-t-il. « Je suis attentif, mais le rôle du patron n’est pas de tout faire, il partage les tâches, pour que les missions soient bien exercées, avec des gens compétents en qui on a confiance ». Des gens qu’il jugeait plus à même que lui de décider quand il faudrait partir, dès lors qu’ils étaient sur place. « J’ai régulièrement demandé s’il ne fallait pas qu’on s’en aille, je pense que des informations me sont remontées trop tard » poursuit-il, avant de conclure.  J’ai dit « je ferme » le 27 août 2014, c’était probablement trop tard ». Le tribunal examine ce jeudi la chaine opérationnelle, précisément pour déterminer qui prenait les décisions sur place et évaluer les responsabilités dans le maintien en fonctionnement de l’usine et dans les sommes versées aux groupes armés.   Les parties civiles réclament la requalification en association de malfaiteurs terroriste Déclarées irrecevables par la chambre criminelle de la Cour de cassation,  les parties civiles ont également vu leur QPC tentant de casser cette jurisprudence rejetée par le tribunal au début du procès, pour autant, les anciens salariés de l’usine syrienne, les associations de victimes et quelques victimes du 13 novembre tentent toujours de trouver un moyen de rester dans la procédure. C’est dans cet objectif que l’un de leurs avocats, Me Guillaume Bagard, a réclamé mercredi, en début d’audience, la requalification des faits reprochés en association de malfaiteurs terroriste. La prévention actuelle, financement du terrorisme, ne permet pas en effet la constitution de partie civile, car c’est une infraction obstacle. La requalification lèverait cet obstacle juridique. « Plus elles sont irrecevables, plus elles s’autorisent tout », a réagi Me Jacqueline Laffont, conseil de Bruno Lafont, dénonçant les traductions tronquées évoquées la veille (une plainte a été déposée, lire notre article ici ). Elle a fustigé également le fait que cette demande de requalification s’appuie sur la transaction conclue avec la justice américaine (en 2022 pour 778 millions de dollars, ndlr), « alors que nous avons rappelé que la jurisprudence européenne proscrivait l’utilisation de ces procédures dans une procédure judiciaire ». Cet accord, pour être conclu, a nécessité en effet que Lafarge reconnaisse l’ensemble des fautes qui lui étaient imputées, ce qui pèse évidemment sur la présomption d’innocence des prévenus de la procédure française s’il n’y a pas de frontière étanche entre les deux procédures. Me Jean Reinhart, en défense de Frédéric Jolibois, a rappelé que les parties civiles n’avaient pour l’instant pas voix au chapitre, car elles n’étaient pas dans la procédure. L’un des problèmes soulevés par la présence de ces très nombreuses parties civiles, c’est l’allongement des débats qu’elle implique lors des séances de questions, alors même que le tribunal risque fort, au terme du procès de confirmer leur irrecevabilité. Interrogé par l’une d’elles en fin de journée, Bruno Pescheux a fait valoir son droit au silence. Une stratégie qu’il pourrait bien ne pas être le seul prévenu à utiliser.
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November 20, 2025 at 10:55 AM
Pacte Dutreil : le recadrage se profile…
Pacte Dutreil : le recadrage se profile…
Drobot Dean/AdobeStock Le dispositif d’exonération partielle de donation et de succession d’entreprises pourrait prochainement subir un coup de rabot. Les députés ont adopté trois amendements au projet de loi de finances pour 2026, dont l’un recentre l’exonération sur les biens professionnels. Parallèlement, la Cour des comptes vient de publier son premier rapport d’évaluation du Pacte Dutreil et invite à l’adoption de mesures de restriction. Si, presque chaque année, la loi de finances apporte une retouche technique au dispositif Dutreil , en général dans le sens d’un assouplissement, le projet de loi de finances pour 2026 pourrait opérer un important recadrage de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit des entreprises. Le contexte de réduction des dépenses fiscales s’y prête, et la Cour des comptes invite le gouvernement et le législateur à mieux cibler ce dispositif fiscal en forte croissance. Une exonération partielle sous conditions Pour mémoire, le dispositif, instauré en 2003 et codifié à l’ article 787 B du Code général des impôts, permet de faciliter la transmission des entreprises familiales et d’assurer leur pérennité, en prévoyant un abattement de 75 % de la valeur de l’entreprise transmise (entreprise individuelle ou titres de société) pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. Pour en bénéficier, la société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou être une holding animatrice. Compte tenu de l’ampleur de l’économie fiscale, le dispositif est entouré de nombreuses conditions. Tout d’abord, des conditions d’engagement de conservation de leurs participations des associés : la conclusion préalable d’un engagement collectif de conservation portant sur les titres à transmettre et la conclusion d’un engagement individuel des donataires, légataires ou héritiers post-transmission. Au jour de la transmission, l’engagement collectif de conserver les titres transmis doit exister depuis au moins deux ans. Il doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote lorsqu’il s’agit de titres de sociétés non cotées. Pour les sociétés cotées, il doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote. L’engagement collectif de conservation doit avoir été pris par le défunt ou le donateur pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés, ou par une personne seule pour elle et ses ayants cause à titre gratuit. Après la transmission, les héritiers doivent prendre un engagement individuel de conservation des titres transmis pendant quatre ans. La seconde série de conditions porte sur l’exercice de fonctions de direction par un associé preneur de l’engagement. La direction de l’entreprise doit être assurée par l’un des associés signataires de l’engagement collectif de conservation des titres, ou un donataire ou héritier signataire de l’engagement individuel, pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années suivant la transmission. Il doit y exercer son activité professionnelle principale si la société relève de l’impôt sur le revenu, ou une des fonctions de direction énumérées par l’ article 975 III-1 du CGI si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). Il s’agit des fonctions de : gérant d’une société à responsabilité limitée (SARL) ou en commandite par actions (SCA) ; associé en nom d’une société de personnes ; président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions. L’évaluation très critique de la Cour des comptes Dans un contexte de rationalisation des dépenses fiscales, la Cour des comptes – en collaboration avec l’Institut des politiques publiques (IPP) – s’est penchée pour la première fois sur le dispositif en collaboration avec l’Institut des politiques publiques (IPP). («  Le Pacte Dutreil : Un dispositif fiscal en forte croissance, à mieux cibler, Rapport public thématique, Évaluation de politique publique, Synthèse, novembre 2025  »). Dans un rapport rédigé de juin dernier, mais rendu public le 18 novembre seulement, la Cour des comptes juge son « efficience économique » « faible », son coût élevé pour les finances publiques en raison de règles « exagérément favorables ». Le premier enseignement porte sur la dépense fiscale. Pendant 15 ans, elle a été évaluée par l’administration fiscale à 500 millions d’euros, 800 millions l’an dernier. Or l’institution chiffre la dépense réelle serait à 1,2 milliard d’euros en 2020, à 3,3 milliards d’euros en 2023, et à 5,5 milliards en 2024. Plusieurs facteurs expliquent cette forte croissance. Les transmissions se sont accélérées du fait de la démographie des entreprises et du vieillissement de leurs dirigeants. La perspective d’une remise en cause du dispositif ne serait pas neutre. Enfin, l’institution relève la présence d’une très grosse opération sur les années 2023 et 2024. Il en ressort que rapporté au montant de l’actif transmis – 20 milliards d’euros en 2024 –, les droits dus au bénéfice Dutreil correspondent à un taux effectif d’imposition de 8 %. La Cour l’illustre de la façon suivante : Pour une donation en pleine propriété avant 70 ans à deux enfants d’une entreprise valant 20 millions d’euros le taux effectif d’imposition est de 4,2 % avec le pacte Dutreil alors qu’il serait de 42 % sans l’avantage fiscal ou dans le cadre d’une donation ou d’une succession portant sur d’autres types de biens que les parts de l’entreprise familiale. Pour une donation en pleine propriété par un sexagénaire à deux enfants de titres ont évalués à 2,5 millions d’euros, le taux effectif d’imposition est de 25,01 % sans Dutreil, contre 1,63 % avec Dutreil. Si cette donation est réalisée en démembrement de propriété, le taux effectif passe à 8,3 % sans Dutreil, et à 0,7 % avec Dutreil. Deuxième enseignement : la Cour des comptes constate une très forte concentration de la dépense puisque, selon ses estimations, 65 % de son montant bénéficie à 1 % des donataires et héritiers, pour une économie fiscale moyenne de 30 millions d’euros. La moitié des donataires bénéficient d’un avantage fiscal de moins de 40 000 euros en moyenne. Logiquement, la dépense bénéficie d’abord aux plus grandes entreprises : les groupes de plus de 5 000 salariés représentent 9 % de l’avantage fiscal alors qu’ils ne comptent que pour 1 % des entreprises transmises sous pacte Dutreil. Les effets nuancés du dispositif Troisième enseignement : la Cour des comptes conclut à des résultats économiques peu discernables. Le dispositif est favorable à la pérennité du contrôle familial et à la stabilité de l’actionnariat. Cependant après l’échéance des engagements de conservation, les entreprises sous pacte Dutreil (30 %) rattrapent partiellement le taux global des restructurations connues par les entreprises transmises sans bénéfice du Dutreil (40 %). La probabilité de faillite ou de dissolution, faible dans les neuf années qui suivent la transmission, est de surcroît légèrement plus élevée parmi les entreprises transmises hors pacte Dutreil (10 % contre 6 % au bout de neuf ans). En revanche, le bénéfice du dispositif comme élément de protection face au risque de reprise par des entités étrangères n’est pas déterminant. Le rapport relève en effet que « la prise de contrôle par une entreprise étrangère est peu fréquente dans les deux groupes avec moins de 5 % des cas à horizon de 9 ans, y compris pour des entreprises de grande taille. L’entrée au capital d’actionnaires étrangers est moins fréquente pour les entreprises Dutreil transmises sous donation, mais l’écart se réduit au-delà de la septième année. En revanche, pour les entreprises transmises par succession, il n’y a pas de différence significative dans la probabilité de passer sous contrôle étranger entre les entreprises Dutreil et non Dutreil ». Enfin, selon la Cour, le bénéficie du dispositif ne produit aucun effet sur les investissements, ni sur l’emploi. « Cet avantage fiscal bénéficie effectivement aux familles actionnaires, mais sans effets économiques massifs par rapport aux autres transmissions d’entreprises », conclut Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Dans ce contexte, la Cour des comptes et l’IPP invitent le gouvernement à réformer le dispositif, plaidant en faveur d’une restriction pour réduire son coût pour les finances publiques. Les propositions de recadrage La Cour des comptes conclut à la nécessaire exclusion des biens et actifs non professionnels et à l’exclusion de l’exonération en présence de family buy out. Elle plaide aussi pour la suppression du pacte réputé acquis et la réduction du taux de l’abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l’engagement individuel pendant une période dont la durée serait à définir ou, à défaut, l’allongement de la durée de l’engagement individuel de conservation. Autres pistes de réforme : la diminution du taux de l’abattement de 75 % sur l’actif transmis, qui devrait s’accompagner d’une facilitation de l’usage du dispositif de paiement différé et fractionné ; la suppression ou la réduction du taux de l’abattement pour les activités réglementées ; la diminution du taux de l’abattement au-delà d’un certain montant d’actif transmis par donataire et la fixation d’un taux moins élevés pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. L’offensive des députés : les trois modifications votées dans le PLF 2026 Le 3 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté trois amendements au projet de loi de finances pour 2026 en première lecture. Ils visent tous à durcir le cadre du dispositif Dutreil. Ainsi, l’article 3 quindecies (nouveau) du PLF limite l’exonération à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou des actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société. Cette mesure vise la transmission effectuée par la voie d’une holding. La loi n’exige pas que la holding animatrice exerce à titre exclusif les activités ainsi visées par le CGI, mais seulement qu’elle les exerce de façon prépondérante, selon une règle similaire à celle qui est appliquée pour déterminer l’éligibilité des sociétés opérationnelles au pacte Dutreil. « Dès lors, lorsque le caractère prépondérant des activités éligibles est constaté, l’exonération de 75 % est appliquée à l’ensemble des titres transmis via la société transmise, y compris ceux qui ne relèvent pas des activités couvertes par le pacte et donc des actifs personnels et non professionnels ». L’amendement resserre l’exonération fiscale aux biens professionnels. Le deuxième amendement introduit deux critères d’âge relatif du donataire. L’article 3 sexdecies (nouveau) du PLF prévoit en effet que « l’âge d’au moins un des donataires doit être compris entre dix-huit et soixante ans au jour de la transmission ». Les auteurs de l’amendement estiment que « l’absence de maturité juridique et économique empêche le jeune donataire de jouer un rôle dans la conduite de l’entreprise, alors que cette transmission bénéficie d’un avantage fiscal significatif ». Mais aussi que « retarder excessivement la transmission a également des effets économiques négatifs ». « On assiste à une accumulation de stock d’entreprises qui ne sont pas cédées avec à leur tête de vieux dirigeants. Ce phénomène a deux conséquences très préjudiciables pour l’économie : un sous-investissement chronique car ces dirigeants sont moins enclins à engager des projets de croissance et une sous-valorisation progressive de l’entreprise, faute de dynamisme ou de projection à long terme ». Le but recherché est aussi d’éviter les transmissions purement patrimoniales dépourvues d’intention entrepreneuriale réelle. Enfin, l’article 3 septdecies (nouveau) propose d’augmenter la durée l’engagement individuel de conservation, la faisant passer de 4 à 6 ans. Les propositions d’amélioration du notariat Observateurs de premier plan de la mise en œuvre du pacte Dutreil depuis 22 ans, les notaires proposent aujourd’hui un certain nombre d’ajustements du dispositif. « La profession notariale, grâce à son maillage et son expérience de terrain est en mesure d’apporter son expertise aux politiques publiques, déclare Bertrand Savouré, président du Conseil supérieur du notariat. C’est ainsi que, convaincue de l’utilité du pacte Dutreil, elle s’engage résolument pour son maintien mais souhaite qu’il y soit apporté certains ajustements. C’est à cette condition que sa durabilité sera renforcée et que ce dispositif atteindra son objectif de stabilité pour nos entreprises et donc de croissance pour l’ensemble de l’économie française ». S’appuyant sur une enquête menée en début d’année auprès de 654 notaires et sur des travaux de plusieurs mois conduits par son Institut d’Études Juridiques (IEJ), le Conseil supérieur du notariat, émet plusieurs propositions destinées à consolider et pérenniser le dispositif du pacte Dutreil. La première série de propositions vise au renforcement de la performance des actifs dédiés à l’exploitation. À ce titre, ils proposent de revoir la notion d’utilité des biens inscrits au bilan pour mieux apprécier le caractère professionnel des actifs, de « maintenir un seuil de prépondérance de ces actifs, mais le renforcer de 50 % à 70 % (en ce compris la trésorerie) pour assurer une nécessaire souplesse dans la gestion de l’entreprise ». Enfin, ils suggèrent d’établir une présomption d’utilité de la trésorerie liée à l’activité opérationnelle de l’entreprise, selon des critères objectifs et lisibles. La seconde série de propositions porte sur les exigences légales liées aux fonctions de direction et de durée d’engagement et de conservation. Le notariat propose tout d’abord d’ouvrir la gouvernance du groupe familial majoritaire au capital pour permettre l’exercice d’une fonction de gouvernance capitalistique. Ensuite, la durée de l’engagement individuel de conservation pourrait être renforcée, passant de 4 à 6 ans. « Cette proposition consensuelle d’augmenter la durée de l’engagement individuel de 50 % vise à renforcer l’ancrage à plus long terme des bénéficiaires au capital de l’entreprise ». Cet engagement s’ajoute à l’engagement collectif de deux ans. Le notariat demande enfin la suppression de certaines obligations déclaratives ne présentant aujourd’hui plus d’intérêt pour l’information de l’administration, mais toujours susceptibles d’entraîner des sanctions en cas d’omission.
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November 20, 2025 at 10:50 AM
Stéphane Kellenberger : « Contrairement aux idées reçues, les magistrats ont beaucoup d’indépendance »
Stéphane Kellenberger : « Contrairement aux idées reçues, les magistrats ont beaucoup d’indépendance »
Après être avoir dirigé les parquets de Digne-les-Bains et de Lorient, Stéphane Kellenberger vient de prendre, en septembre dernier, de nouvelles fonctions à la tête du parquet de Brest. Un parquet aux actions variées, en charge notamment du tribunal maritime et de l’action de l’État en mer. Pour le magistrat, ces nouvelles fonctions complètent une vie professionnelle déjà diverse. Car avant d’être procureur, Stéphane Kellenberger a été avocat au barreau de Paris. Pour Actu-Juridique, il revient sur ce parcours judiciaire singulier. Rencontre. Actu-Juridique : Vous venez de prendre vos fonctions à la tête du parquet de Brest. Comment s’organise-t-il ? Stéphane Kellenberger : C’est un ressort littoral et maritime, diversifié et polyvalent par la nature de ses contentieux. On y retrouve ceux qui occupent traditionnellement un parquet près un tribunal judiciaire : les trafics de stups, les faits sériels, les violences intrafamiliales. Mais c’est aussi un parquet atypique, puisqu’il comporte des juridictions départementales. Il est pôle criminel départemental pour le Finistère, supervise aussi l’activité de l’unique établissement pénitentiaire du Finistère. Il est constitué d’un site principal du tribunal judiciaire, puis de deux annexes sur le port et enfin d’un site distant, à Morlaix, où un tribunal de grande instance supprimé de la carte judiciaire constitue désormais une sorte de chambre de proximité qui comporte notamment des contentieux pénaux et un cabinet de juge des enfants. En plus de la juridiction de droit commun et plutôt classique qu’est le tribunal judiciaire, nous avons une juridiction littorale spécialisée (Julis), un tribunal maritime et le pôle régional de l’environnement et menons l’action de l’État en mer au côté de la préfecture maritime. Depuis mon arrivée, cette activité est très dense. Nous avons procédé à trois saisies de drogue : la première, de six tonnes de cocaïne interceptées par la Marine nationale, la seconde, de 10 tonnes. Puis une intervention a permis de saisir 2,4 tonnes de cocaïne supplémentaires, soit une valeur marchande de 128 millions d’euros pour cette dernière. Enfin, nous avons piloté à distance l’interception d’un pétrolier naviguant au large de Madère, dont nous soupçonnions qu’il avait des activités illicites. Il n’avait pas de pavillon et a refusé d’obtempérer à un bateau de la défense nationale, ce qui est peu banal. De par cette très forte activité maritime, les fonctions de procureur à Brest sont diversifiées, rares et enthousiasmantes professionnellement. AJ : Vous avez dénoncé, lors de votre audience d’installation, le manque de dotation de votre parquet… Stéphane Kellenberger : Je trouve à Brest une équipe investie bien que trop contrainte. Nous sommes 9 au total. Cela fait 1,6 magistrat du parquet pour 100 000 habitants pour faire face à 30 000 procédures annuelles, parmi lesquelles certaines sont lourdes. C’est bien au-dessous de la moyenne nationale qui est de 3 magistrats du parquet pour 100 000 habitants, ce qui est déjà très faible par rapport au ratio allemand (7/100 000) ou européen (10/100 000). Ne serait-ce que pour approcher la moyenne française, nous devrions être 16. Le parquet s’occupe, comme je l’ai dit, de diverses spécialités. Tout cela se fait à effectif constant. La Bretagne est sous dotée. Longtemps, les dotations en magistrats et greffiers ont été prioritairement plutôt octroyées à la région parisienne, au Nord et au Grand Est, et à Marseille. Ces pôles méritaient légitimement d’être renforcés. Le grand Ouest était probablement considéré longtemps comme une région plus sûre. Cette réalité sociétale, peut-être vraie il y a 30 ans, a changé. Brest est la deuxième ville de Bretagne, elle compte des cités comparables à celles des grandes métropoles, des trafics, une économie souterraine qui génère une criminalité organisée et réalimentent la délinquance. Le parquet doit être présent sur tous les fronts. Nous sommes sur le fil en permanence, arrivons à maintenir un équilibre précaire parce que chacun est conscient de sa responsabilité. La contrainte est également physique : nous n’avons que deux salles d’audience. Un bâtiment devrait constituer une extension du tribunal judiciaire. On fait remonter nos difficultés, on priorise, on réorganise pour faire face. Cela ne nous empêche pas d’être très présents avec l’action de l’État en mer. C’est néanmoins un sujet de préoccupation pour les chefs de juridictions, que je porte avec la présidente. AJ : Comment sont traitées les infractions maritimes ? Stéphane Kellenberger : Le tribunal maritime intervient pour des infractions spécifiques en matière de navigation. Des infractions au pavillon, en termes de transports, d’atteinte à la sécurité en mer. Elles sont traitées lors d’audiences dédiées. Une loi remontant à 1926 répartit la compétence et pourrait être revue. Il y a des règles de connexité qui ne peuvent pas s’appliquer. Par exemple, le défaut de pavillon d’un navire et son refus d’obtempérer ne peuvent pas être jugés par la même juridiction. En effet, le défaut de pavillon relève du tribunal maritime et le refus d’obtempérer, du tribunal correctionnel. On ne peut pas lier les deux affaires, en l’état actuel du droit, même si toutes deux concernent le même bateau ! Quant aux saisies de drogue, elles relèvent de la criminalité organisée en mer. Elles seront appréhendées par différentes juridictions selon la nationalité des équipages et le pays d’origine du navire. Depuis mon arrivée, nous avons eu différents cas de figure. Nous avons eu à appliquer le principe de dissociation lorsque l’intervention a eu lieu dans un cadre qui répondait aux conventions internationales. Nous avons alors saisi et détruit la cargaison de cocaïne, et les membres d’équipage, tous de nationalité non-européenne, sont repartis. Lors de la deuxième intervention, nous avons saisi dix tonnes de cocaïne en provenance du bassin des Antilles. Nous nous sommes dessaisis au profit de la JIRS de Fort-de-France en Martinique. Enfin, lors de la troisième intervention, il n’y avait pas de Français à bord mais un Européen de nationalité espagnole. Notre juridiction s’est dessaisie au profit de l’Espagne qui a accepté sa compétence. S’il y avait eu un Français à bord, cela aurait sans doute été traité par le tribunal correctionnel de Brest ou par la JIRS de Rennes, selon le degré de complexité de l’affaire. À partir de janvier, nous pourrons aussi être amenés à travailler avec le nouveau parquet national de lutte contre la criminalité organisée, le PNACO. Le parquet de Brest est donc au cœur de l’articulation avec les JIRS, le PNACO, les juridictions ultramarines, la préfecture maritime. Cette synergie entre services et juridictions est à la fois stimulante et pas simple à mettre en œuvre avec les effectifs contraints dont nous disposons. Enfin, certains délits de pollution maritimes sont orientés par la Julis – les eaux de ballast, le dégazage en mer -, d’autres vers le pôle régional de l’environnement, qui couvre la Bretagne et les Pays de Loire, et traite les atteintes à la biodiversité dans leur ensemble, qu’elles soient maritimes, fluviales ou terrestres. Ce pôle se consacre à des dossiers complexes : la pollution des nappes phréatiques ou les algues vertes, par exemple, qui peuvent mettre en cause des personnes physiques ou morales, avoir une dimension transrégionale ou transnationale. AJ : Vous étiez jusqu’en septembre au parquet de Lorient. Quel bilan dressez-vous de ces années ? Stéphane Kellenberger : Le parquet de Brest et celui de Lorient ont un peu la même configuration, de par l’histoire de leur ville détruite par la Seconde Guerre mondiale, et par le fait qu’ils sont installés tous deux dans la ville la plus importante du département mais où ne se trouve pas la préfecture. Je vois dans mon arrivée à Brest à la fois une forme de continuité et de renouvellement. À Lorient, mon mandat a été rythmé par le Covid. Lorsque j’ai pris mes fonctions, la première des préoccupations était d’assurer une continuité de service pour les urgences tout en préservant les équipes. Au lieu d’aller vers l’extérieur, comme cela se fait habituellement lorsqu’on prend un nouveau poste, il fallait mettre en place une stratégie de repli. C’était contre intuitif. Très vite est arrivée la procédure hors-norme contre Joël Le Scouarnec, qui existait dans la forme préliminaire avant mon arrivée et a débouché dès octobre 2020 sur l’ouverture d’une information judiciaire faisant état de plus de 300 victimes. Ce nombre de parties civiles donnait hélas le vertige. C’est un dossier marquant professionnellement et humainement, même si on s’efforce de l’aborder sous un angle professionnel. Cela ne laisse ni insensible ni indemne. Mais c’est l’essence des carrières judiciaires d’être confronté à des drames. En 2015, à la tête du petit parquet de Digne-les-Bains, qui ne compte que 3 magistrats, j’avais dû gérer le crash de la Germanwings, l’avion Airbus qui s’était écrasé près du Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence. Avant que le dossier ait été repris par le pôle des accidents collectifs de Marseille, le parquet de Digne, primo-intervenant, avait été en charge de la préservation du site, de l’accueil des victimes, de l’établissement de 150 actes d’état civil de décès. Les carrières judiciaires sont jonchées de tels drames. AJ : Avant d’être procureur, vous avez eu une première vie judiciaire comme avocat. Comment s’est passée cette première vie professionnelle ? Stéphane Kellenberger : Très tôt, sans avoir dans mon entourage personne exerçant un métier du droit, j’ai eu en tête de devenir avocat. C’était une vocation précoce, éprouvée dès la classe de cinquième et qui ne s’est pas démentie. J’ai fait des études de droit à l’université Paris-Assas, avec cet objectif. J’ai passé une maîtrise carrière judiciaire et un DEA de droit privé général, sous la direction du doyen Gérard Cornu, éminent professeur de droit. En parallèle d’une thèse de doctorat que je n’ai jamais pu achever, j’ai passé l’examen d’entrée à l’école d’avocat et prêté serment en 1992. Je suis rentré au barreau de Paris où j’ai eu une expérience très enrichissante jusqu’en 1999. J’étais avocat généraliste, et également chargé de cours à Assas. En exerçant, je me suis toutefois rendu compte que la profession voisine, celle de magistrat, m’attirait plus. Je savais qu’il existait des passerelles, sans bien savoir lesquelles. J’ai appris qu’au bout de 7 ans d’exercice comme avocat, on pouvait à l’époque formuler une candidature fondée sur l’article 18-1 de la loi organique régissant la magistrature, qui permettait d’intégrer l’ENM sur titres après divers entretiens de recrutement du tribunal puis de la cour d’appel puis de la commission d’avancement de la Cour de cassation. Au terme de ce processus lent et complexe, j’ai eu le bonheur de rejoindre une promotion à l’ENM dont je suis sorti en 2001. J’ai pris mon premier poste de juge d’instruction à Bourges, puis j’ai été coordinateur du pôle criminel de Bourges, compétent pour trois départements du centre de la France. J’y suis resté jusqu’en 2009. J’ai ensuite quitté le siège pour le parquet général de Fort-de-France. Nous étions compétents pour la Martinique et la Guyane, avec une très grande diversité : l’action de l’État en mer, la coopération internationale. J’ai à l’époque été également conseiller justice du centre interministériel de formation antidrogue, le CIFAD, et chargé d’enseignement à l’Institut d’études judiciaires des Antilles. De retour en 2013, j’ai pris mon premier poste de procureur à Digne-les-Bains, qui appartient au plus petit groupe de parquets. AJ : Passer d’avocat à procureur peut avoir l’air d’un changement radical… Stéphane Kellenberger : Il n’y a eu aucun déclencheur, aucune déconvenue. Cette bascule résulte d’un cheminement personnel. En voyant travailler les magistrats, j’ai trouvé contrairement à certaines idées reçues qu’ils avaient beaucoup d’indépendance. L’avocat soutient la cause de son client, le magistrat cherche la manifestation de la vérité au pénal, les éléments qu’on lui rapporte au civil. Il avance sans a priori , uniquement soucieux de la preuve qu’on lui rapporte. À l’image des plateaux de la balance, il penche d’un côté ou de l’autre. Cette conception vaut y compris pour les magistrats du ministère public. La magistrature, c’est aussi plusieurs professions en une seule, avec des différences importantes entre les fonctions du siège et du parquet, entre le parquet général et celui de première instance. AJ : Que vous apporte le métier de procureur ? Stéphane Kellenberger : En tant que procureur, notre métier a aussi une dimension administrative : nous devons gérer les ressources humaines, des bâtiments, des équipes. Le parquet est un chef d’équipe, ou un capitaine de navire pour rester dans le registre maritime. Cela a parfois moins de rapport avec le droit, mais c’est très intéressant. Nous avons des leviers d’actions et des moyens d’agir sur la politique pénale, certes décidée au niveau national par le gouvernement et le ministère mais déclinée régionalement par le procureur général et la cour d’appel puis localement par chaque procureur de la République. Nous prêtons le même serment que les magistrats du siège et ne sommes pas des accusateurs publics. Nous demandons aux officiers de police judiciaire d’enquêter à charge et à décharge. Le magistrat du parquet est le juge de l’opportunité et de la proportionnalité des poursuites, de l’orientation des procédures, et il statue de façon extrêmement libre. Un substitut parle au nom du procureur auquel il doit transparence et loyauté, mais sa parole est libre. Chacun porte ce qu’il souhaite, tant qu’il se situe dans le cadre de la loi et de la procédure. Je trouve cet exercice intéressant intellectuellement et m’y retrouve mieux en termes de personnalité. AJ : Avoir été avocat dans une vie antérieure vous donne-t-il une autre approche de votre métier ? Stéphane Kellenberger : Je l’espère. Je pense pouvoir dire que la façon dont j’aborde les choses est dans l’ouverture, la curiosité, l’écoute. Le parquet de Brest travaille avec le barreau, les institutions, l’université, le CHU, la marine. Chacun est dans son rôle mais les objectifs sont partagés, communs.
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